Towards London 8 / Vers Londres 8
Jacques-Alain Miller – « Tu peux savoir comment on analyse... » : Présentation des Journées ECF 2001
Nous clôturons aujourd’hui la série des textes « Vers Londres » par un texte de Jacques-Alain Miller, paru dans le petit volume où nous avons déjà puisé ces derniers mois : « Liminaire des XXXe Journées de l’Ecole de la Cause freudienne ».
Le thème de ces Journées, qui était assez proche du thème de notre congrès de Londres, avait été présenté par Jacques-Alain Miller un an avant. Son introduction nous intéresse à plus d’un titre. Nous y trouvons des thèses et des formulations lumineuses sur l’acte analytique et la nécessité d’en rendre compte, sur l’analyste et l’Ecole, sur le souci thérapeutique et la psychanalyse appliquée. Je vous invite à le découvrir par vous-même et à vous en inspirer pour vous préparer à notre rencontre, le week-end prochain, à Londres, sur « Comment la psychanalyse opère ».
Anne Lysy
28 mars 2011
Jacques-Alain Miller - "You may know how we analyse...": Presentation of the Theme for the 2001 ECF Study Days
We are now ending the series of texts “Towards London" with a text by Jacques-Alain Miller, published in the small volume we have takenfrom before. “Liminaire des XXXe Journées de l’Ecole de la Cause freudienne”.
The theme of those Study Days, which was quite close to the theme of our LondonCongress, was presented by Jacques-Alain Miller a year before. We are interested in his introduction at several levels. He gives enlightening formulations about the analytical act and the necessity to publicly reflect on it, about the analyst and the School, and about therapeutic care and applied psychoanalysis. I invite you to discover it by yourself; I have no doubt that it will inspire you to prepare for our meeting next weekend in London, on "How Psychoanalysis Works".
Anne Lysy
28 March 2011
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PRESENTATION EN L’AN 2000 DU THEME
DES JOURNEES QUI SE TIENDRONT EN 20
Jacques-Alain Miller
Paris, le 22 octobre 2000
« Tu peux savoir comment on analyse à l’Ecole de la Cause freudienne. »
Ce titre – comment dire ? – a du culot. Ce titre n’a pas froid aux yeux. Comme on le dit de La Marseillaise quand ce chant guerrier paraît sur la scène du monde, ce titre a des moustaches.
C’est un titre par lequel l’Ecole de la Cause freudienne, nommément désignée, s’interpelle elle-même.
Les circonstances font que les Journées qu’il annonce auront pour l’Ecole la valeur d’un quitte ou double.
C’est un examen de passage qu’il s’agit, d’une épreuve de capacité, d’une véritable passe de l’Ecole comme expérience. A savoir : l’Ecole de la Cause freudienne est-elle, est-elle aujourd’hui, sera-t-elle demain, une Ecole de psychanalyse ?
Il ne sera pas rien pour ce demain qu’aujourd’hui la question en ait été posée.
La question en est posée par l’Ecole à l’Ecole, la réponse n’est pas en son pouvoir : elle est à venir du Tu que l’Ecole convoque à assister à son débat avec elle-même, le Tu qui pourrait vouloir savoir ce qu’il en est pour de vrai de comment on analyse quand on est de l’Ecole de la Cause freudienne.
Ce Tu, qui est-il ? Il pourrait s’incarner en chacun de ceux qui se pressent aux Journées de l’Ecole de la Cause freudienne sans être pour autant de cette Ecole qui se prétend de psychanalyse. C’est à ce Tu supposé venu de l’extérieur qu’elle voudrait s’en remettre pour savoir si elle est ou n’est pas à la hauteur de sa prétention.
Le 15 janvier 1964, Jacques Lacan ouvrait son onzième Séminaire en annonçant qu’il traiterait des fondements de la psychanalyse, et posait la question : « En quoi y suis-je autorisé ? »
Il ne se crut pas diminué d’en poser la question, bien qu’il ait déjà à cette date donné pas moins de dix séminaires et un ensemble d’écrits constituant l’élaboration psychanalytique majeure du dernier demi-siècle.
Non seulement il posa cette question et ne s’en crut pas diminué, mais encore il posa qu’il tenait la réponse pour suspendue jusqu’à ce qu’il ait fait ses preuves au gré d’un auditoire qui avait changé, et alors qu’il devait discourir d’une place qui n’était plus la même, pour avoir été mis au ban de ce qui était alors la communauté psychanalytique.
st pour avoir accueilli cette mise en question, la plus injuste pourtant qui se put imaginer, pour l’avoir transformée en épreuve de capacité personnelle, et pour avoir franchi cette épreuve au gré de son public, qu’il put, la dernière semaine de ce séminaire, annoncer qu’il créait une Ecole destinée à ramener la pratique de la psychanalyse « dans le devoir » - le devoir censé lui revenir en notre monde.
L’Ecole de la Cause freudienne se targue de procéder de cet acte de fondation. Elle aura bientôt vingt ans. L’heure est venue pour elle d’assumer à son tour la question de son autorisation. Qu’est-ce qui la ferait capable plus que d’autres de dénoncer « les déviations et les compromissions qui amortissent le progrès (de la psychanalyse) en dégradant son emploi » ? Est-elle en règle avec sa mission ?
Personne aujourd’hui ne saurait mettre en question l’aptitude de l’Ecole de la Cause freudienne – si ce n’est elle-même. Car la communauté psychanalytique n’est plus. Elle n’existe plus comme une, comme c’était encore le cas en 1964. Les temps qu’annonçait alors Lacan en soulignant que « l’analyste ne s’autorise que de lui-même » sont accomplis. La tentative de l’Association internationale de psychanalyse (IPA), de se réserver le monopole de la qualification du psychanalyste, a échoué. D’une part, n’importe qui, n’importe où, peut se dire, se dit, psychanalyste. D’autre part, les secteurs les plus avancés de cette Association internationale qui avait proscrit Lacan et son Ecole, en sont aujourd’hui à se nourrir de l’œuvre de Lacan, et à frayer avec ses disciples. Faut-il penser que tout est bien ?
Asinus asinum fricat, L’âne frotte l’âne. « Tu es psychanalyste, je suis psychanalyste. » - « Mister psychanalyste, I presume ? – Monsieur, vous en êtes un autre. » - « I’m ok, you are ok. » (c’est le principe d’une psychothérapie qui eut son heure de gloire sous le nom d’analyse transactionnelle). Il se pourrait que ce soit sur cette base que tende dès à présent à se reconstituer une communauté qui ne serait psychanalytique qu’à ne pas souffler mot de ce qui autorise quiconque à se dire psychanalyste hors la complaisance, voir la complicité d’autres imposteurs de même acabit. La question en sera pas posée, la question « en quoi en suis-je autorisé ? ».
C’est de cette voie de facilité, de cette véritable Veleugnung, qu’entend se démarquer l’Ecole de la Cause freudienne en tenant provisoirement pour suspendue sa capacité collective à qualifier des psychanalystes – sous réserve d’en apporter la démonstration publique, c’est-à-dire de s’obliger à une épreuve qui ne soit pas indigne d’être comparée à celle que franchissent ceux à qui il fut dévolu par Lacan de « sauver l’honneur », à savoir lesdits AE, Analystes de l’Ecole, analysants censés avoir conduit leur analyse à sa conclusion logique, et qui après avoir témoigné de ce résultat dans la confidence d’une expérience spéciale, la passe, apportent au public le bénéfice parfois éclatant de leurs travaux.
C’est ce qui se fait à l’ECF. Seule une aberration institutionnelle qui laisse songeur réserve les Journées des AE à un auditoire beaucoup plus restreint que celui-ci, et fait qu’un seul des AE dits en exercice a pris la parole en séance plénière au cours des Journées. C’est pourtant à eux que Lacan entendait confier par excellence la responsabilité d’interpréter l’expérience de l’Ecole.
Toujours est-il que l’Ecole de la Cause freudienne n’entend bénéficier de la complaisance de personne, et qu’elle se préparera, àl’initiative de son Conseil, animée par son Directoire, à l’épreuve que seront pour elle les Journées de l’an prochain, où elle a rendez-vous avec elle-même pour un « Bas les masques ! ».
Il se pourrait que, nouvelle édition du Bal à l’Opéra d’Alphonse Allais, elle ait à constater que, horreur, ce n’était pas elle.
« Je ne suis pas celle que vous croyez » - ce n’est rien de le dire. Le risque pour elle de n’être pas ce qu’elle croyait. C’est alors, pour le coup, que les semblants vacilleraient. Vacillation qui ne laisserait pas indemne le Tu convoqué à la fête – qui aurait peut-être à constater que dessous son masque tombé à son tour, ce n’était pas lui non plus.
Hommage pourtant est à rendre à une Ecole qui, par son organe le plus représentatif, son Conseil, alors présidé par notre collègueYasmine Grasser, ne recule pas à affronter le défi qui ainsi se propose à elle – à un moment où personne ne songe plus à contester à personne la qualification de psychanalyste, tandis que nombre de groupes analytiques échangent leurs puces dans de grands élans d’ « Embrassons-nous Folleville ». Ce qui fait pressante l’interrogation que répercute le titre de nos prochaines Journées, n’est aucune suspicion venue de l’extérieur.
C’est du sein le plus assenti de notre pratique que s’élève pour nous l’exigence d’en rendre compte, et, par là d’évaluer si oui ou non, ou dans quelle mesure, cet organisme que nous appelons l’Ecole est apte à former des psychanalystes et à contrôler, évaluer et garantir cette formation.
Les garanties dont jouit cette Ecole, et qui lui viennent de son histoire, de son association à d’autres Ecoles au sein de l’Association Mondiale de Psychanalyse, et maintenant de la reconnaissance de l’autre bord les garanties que lui apporte un vaste public retenu par les travaux qu’elle chapeaute, toutes ces garanties sont néant au regard d’une exigence plus haute, qui est celle de jouer sa partie de la bonne manière au regard de la discipline psychanalytique elle-même – disons, l’Idée de la psychanalyse, si celle-ci existait.
Il fait longtemps que la question ne taraude plus personne de savoir ce qui autorise quiconque à provoquer par l’écoute les phénomènes du transfert et de la suggestion. C’est bien parce que la psychanalyse aujourd’hui est partout, qu’il se pourrait qu’elle ne soit nulle part. Tenons au moins la réponse pour suspendue en ce qui nous concerne, jusqu’à démontrer la validité de nos prétentions.
Des Journées n’y suffiront pas sans doute, mais elles mettront en train le processus de vérification qui maintenant nous sollicite à l’orée du second siècle de la psychanalyse.
Jacques Lacan pouvait écrire, il y a bien longtemps, en 1958, qu’ « un mystère subsiste (…) sur les conditions propres à la garde du patrimoine disciplinaire qu’engendre un champ » - le champ freudien – « où le praticien lui-même doit se tenir au niveau du sujet (…) de la parole, c’est-à-dire en tant qu’il émerge à la dimension de la vérité ». Après avoir reconnu chez Freud le souci instant (sic) de fonder une communauté qui assumerait cette garde, il tenta quelques années plus tard (1964) de dissiper ce mystère par la création d’une communauté inédite dans la psychanalyse, celle d’une Ecole, qu’il voua en 1967 à la quête infinie, c’est-à-dire sérielle, de ce qui persuade un sujet qu’il a la qualification du psychanalyste.
Cette qualification est-elle acquise une fois pour toutes ? On sait qu’une Ecole peut déchoir, puisque celle qu’il avait fondée, Lacan prit soin de la dissoudre avant que de disparaître. S’agissant d’un sujet, il se pourrait que sa qualification d’analyste suppose qu’il fasse incessamment la passe, et que la passe ne soit que le nom d’une porte étroite ouvrant à une série d’épreuves. Qui se tient au niveau du sujet émergeant à la dimension de la vérité, ne saurait énoncer que dans l’élément du risque, celui de déchoir. Certes, corrigera Lacan plus tard, c’est à se tenir au niveau de l’objet, non du sujet, qu’une analyse est à sa place dans la pratique, mais quand il prend la parole comme celui qui enseigne et témoigne, rien ne le protège plus alors du risque de dire, pas même la citation des bons auteurs, qui dénonce plutôt que la portée du dire ne se déménage pas avec les dits.
La garde du patrimoine disciplinaire engendré par le champfreudien est-elle assumée à l’ECF ? C’est ce qu’il s’agira d’évaluer. C’est-à-dire :
1 – La différence y est-elle faite, oui ou non, entre la psychanalyse vraie et la fausse – pour reprendre le titre d’un écrit de Lacan que j’ai cité ?
2 – La différence est-elle faite, oui ou non, entre la psychanalyse pure et la psychanalyse appliquée ?
Ces deux différences ne sont pas à confondre, elles sont disjointes :
- la psychanalyse appliquée n’est pas la fausse ;
- la pure n’est pas la vraie ;
- mais il est faux de ne pas faire de différence entre la psychanalyse pure et la psychanalyse appliquée ;
- et derechef : il est faux d’identifier la psychanalyse pure à la pratique de cabinet avec divan et la psychanalyse appliquée à la pratique d’institution.
L’opposition de la psychanalyse vraie et de la fausse psychanalyse a été forgée par Lacan aux fins de stigmatiser le renoncement aux principes de la discipline analytique, et le détournement de sa pratique « à des fins de suggestion sociale et d’assujettissement psychologique ». Une pratique conservant toutes les apparences de la psychanalyse, ses semblants, peut glisser à n’être plus qu’une « pédagogie corrective », voire une « psychothérapie autoritaire ». Rien n’est plus proche de la psychanalyse que son envers, le discours du maître, il suffit de laisser aller le discours analytique pour qu’il s’inverse, car c’est le discours du maître qui convient à l’inconscient, non celui de l’analyste. Le transfert n’est que suggestion, à son analyse près (l’analyse de la suggestion).
C’est précisément parce que l’écoute engendre la répétition de la demande qu’elle suscite un effet de suggestion. Pour peu que cet effet ne soit pas analysé, mais utilisé, les pratiques d’écoute débouchent tout naturellement sur un renforcement du discours du maître. Et c’est ce à quoi nous assistons partout : la généralisation des pratiques d’écoute, qui témoigne sans aucun doute de l’incidence massive de la psychanalyse sur la civilisation, a pour résultat un renforcement, ou perfectionnement, du discours du maître.
Ironie : le triomphe de la psychanalyse, son masque tombé, révèle son vrai visage : c’est le discours du maître qui triomphe, et d’autant plus qu’il entraîne avec lui le signifiant du psychanalyste. Si l’Autre n’existe pas, le discours du maître, lui, existe bel et bien.
L’opposition de la psychanalyse pure et de la psychanalyse appliquée est autre chose. Elle prend son sens du renversement opéré par Lacan, qui conduit à faire de l’analyse produisant un analyste « la forme parfaite de la psychanalyse », sa forme pure. D’où il apparaît qu’est psychanalyse appliquée toute forme de psychanalyse, et même tout moment de l’expérience analytique, où « le souci thérapeutique » l’emporte sur celui de dégager le sujet des signifiants qui le recouvrent, pour enfin le destituer de son fantasme.
J’entends donc par psychanalyse appliquée, la psychanalyse restreinte à la thérapeutique, justifiant par là, comme l’écrit Lacan dans les Ecrits, « des courts-circuits, voire des tempéraments ». Il y a psychanalyse appliquée chaque fois que l’analyste retient les chiens de Diane, car ce n’est pas tout sujet qui peut supporter d’en être dévoré.
Il y a peu, on m’informait que l’EOL et l’EBP, entendaient se réunir sous le titre de « Psychanalyse et psychothérapie ». Le titre paraissant rebattu, j’ai proposé, dans la même veine : « Quand le sujet va plus mal… » - sous-entendu : que fais-tu, praticien ? Hic Rhodus, hic saltus : c’est là que se fait le plus sûrement le départ entre la forme pure et la forme appliquée de la psychanalyse, celle que domine « le souci thérapeutique ».
Comment analyse-t-on ? Comment fait-on avec la demande thérapeutique – qui est la demande initiale, la demande justifiant une analyse, celle qui s’impose du symptôme et de la croyance au symptôme ? La demande introduit tout naturellement la suggestion. C’est ce qui légitime la psychiatrie (réduite à être serve de la biologie moléculaire) à se vouloir par compensation maîtresse de la psychothérapie (la psychothérapie autoritaire). Il serait bien que nous sachions faire la différence entre l’usage du signifiant-maître dans la psychothérapie autoritaire et son usage dans la psychanalyse appliquée.
« Tu peux savoir » : le titre des Journées nous reporte à la phrase dont Lacan avait ornée la couverture de sa revue, Scilicet : « Tu peux savoir ce qu’en pense l’Ecole freudienne de Paris. »
Ce « Tu peux savoir » est aussi ce que promet une psychanalyse : « Tu peux, si tu en as le désir, tirer au clair l’inconscient dont tu es le sujet » (Lacan le dit à son interlocuteur de Télévision). Placé sur une revue de l’Ecole dont les textes étaient présentés sous une signature collective, il était bien fait pour mettre en évidence ce qu’il en est de l’appartenance à un groupe quand on lui donne sa portée vraie : elle comporte la co-responsabilité.
Non pas seulement la responsabilité du progrès de l’Ecole, personne morale, mais bien la co-responsabilité de ce que les autres de cette Ecole élucubrent, écrivent, professent, la co-responsabilité de ce qu’ils font, et au premier chef comme analystes.
Comment analyse-t-on à l’ECF ? Comment peut-on le savoir ? Par ses analysants d’abord, et c’est à ce titre que les AE sont convoqués à en témoigner. Mais aussi il faudrait que ce soit par ses analystes, par ceux qui analysent sous l’égide de l’Ecole, et dont celle-ci garantit la formation et la pratique. Aussi bien, à ces Journées l’Ecole convie-t-elle le praticien qui s’en réclame à élaborer comment il analyse, et à se faire contrôler par le Tu du Tu peux savoir, à faire contrôler son acte en s’exposant.
Certes, on n’a pas attendu les Journées de 2001 pour ce faire. C’est l’exploit de chacune de nos Journées, et notamment de celles-ci, dont l’organisation est due à Catherine Bonningue. Mais jusqu’à présent l’exposé du cas voilait le « s’exposer » du praticien, le laissait implicite. C’est ce que les prochaines Journées voudraient expliciter, et c’est en cela qu’il n’est pas excessif de dire qu’un tel défi est inédit. Jusque-là, il restera à élaborer comment aborder de la bonne manière « la confession des analystes » - leur passe toujours recommencée.
Il se pourrait que Tu soit curieux de savoir, par exemple, comment il peut se faire que la réduction du manque-à-être nécessaire à occuper correctement la place de l’analyste, la chute des idéaux que cette réduction emporte, laisse pourtant se produire quelque chose qui pourrait s’appeler la psychanalyse comme passion, la psychanalyse-passion. « Psychanalyse, ma partenaire-ravage ! »
La passion est compatible avec l’absence d’espérance, car l’absence d’espérance mène l’être à se confondre avec sa volonté. Ce n’est peut-être là qu’une exigence principielle de la psychanalyse même, pour autant qu’elle répond à ce qu’il faut bien appeler un principe de responsabilité radicale. Lacan écrivait dans « La science et la vérité », page 858 : « De notre position de sujet, nous sommes toujours responsables. »
Est-ce du terrorisme ? Sur les traces de l’un de nos collègues de l’EOL tout récemment disparu, Javier Aramburu, auquel j’ai rendu hommage à Buenos Aires, je me suis aperçu que ce dit de Lacan faisait écho à Freud, précisément à l’article de 1925 où celui-ci tient qu’il va de soi qu’il convient d’imputer au sujet la responsabilité éthique, Die sittliche Verantwortung, du contenude ses rêves. « Le contenu du rêve, dit-il, est un morceau de mon être. Ce que j’ai renié en moi est moi, et agit à l’occasion à travers moi. » La psychanalyse comporte que la responsabilité éthique du sujet s’étend jusqu’à l’inconscient. C’est à ce niveau qu’il nous faudra trouver la ressource – chacun pour son compte, mais aussi chacun co-responsable de ses compagnons d’infortune – de réinventer la psychanalyse par ces temps de détresse.
Il encourage, le dit d’un grand artiste, qui, au moment même où il se mettait en posture d’enseigner, affichait son dédain de toute Ecole, j’ai nommé Gustave Courbet : « L’histoire d’une époque finit avec cette époque même et avec ceux de ses représentants qui l’ont exprimée. Il n’est pas donné aux temps nouveaux d’ajouter quelque chose à l’expression des temps anciens, d’agrandir ou d’embellir le passé. Ce qui a été a été. L’esprit humain a le devoir de travailler toujours à nouveau, toujours dans le présent, en partant des résultats acquis. Il ne faut jamais rien recommencer, mais marcher toujours (…) de conclusion en conclusion. »
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PRESENTATION OF THE THEME OF THE 2001 ECF STUDY DAYS
Jacques-Alain Miller
Paris, October 22, 2000
“You may know how we analyse at the Ecole de la Cause freudienne.”
This title – how to say it – has a lot of nerve. This title is adventurous. As we say with the Marseillaise when it appeared on the world’s scene, it’s got balls [des moustaches]. With this title the School, Ecole de la Cause freudienne by name, sets itself a challenge. Circumstances mean that the Study Days thus announced, will be at the level of all or nothing for the School. It is a matter of an entrance examination, an ability test, a real pass for the School as experience. Is the Ecole de la Cause Freudienne today, will it be tomorrow, a School of psychoanalysis? The fact that the question arises today means something for tomorrow. The question is posed by the School to the School, yet the answer is not in its hands: it is to come from the You that the School invites to participate in its debate, the You who may want to know for real how we analyse when we are from the Ecole de la Cause freudienne. This You, who is it? It could be everyone who hurries to the Study Days of the Ecole de la Cause freudienne without belonging for all that to this School, which claims to be of psychoanalysis. It is to this You, supposed to be coming from the outside that it would like to hand over the question of whether or not it is up to its pretences.
On 15 January 1964, Jacques Lacan began his eleventh Seminar announcing he would deal with the foundations of psychoanalysis and he was asking: “What authorises me?”
He did not feel belittled putting the question, although at this time he had already given no less than ten Seminars and a written work, thereby constituting last century’s major elaboration of psychoanalysis.
Not only did he raise this question and did not feel belittled, he also held the answer in suspense until he had proven it in front of an audience that had changed and thus he needed to speak from a place that was no longer the same, having been outlawed from what was then the psychoanalytic community. By welcoming thischallenge, nevertheless the most unfair imaginable, having transformed it into his own task and having achieved this task in front of his audience, he could, in the last week of this Seminar announce that he was creating a School intended to returning the practice of psychoanalysis “to its duty”, the duty expected to return to our world.
The Ecole de la Cause freudienne is proud to proceed with this act of foundation. It will soon be twenty years old. Time has come now for it to assume the question of its authorisation. What would make it, more than others, capable of denouncing “the deviations and compromises that dull the progress (of psychoanalysis) by degrading its use”? Is the School in line with its mission?
Today, nobody would know how to question the aptitude of the Ecole de la Cause freudienne – but it itself. Because the community of psychoanalysis no longer exists. It no longer exists as one, as was the case still in 1964. The time that Lacan was announcing, by underlining that “the analyst is authorised only by himself” is done. The attempt of the International Association of Psychoanalysis (IPA), to reserve the monopoly of the analyst’s qualification failed. On the one hand, anyone, anywhere, can call himself a psychoanalyst. On the other hand, the most advanced sectors of this International Association that have banned Lacan and his School, are now feeding on Lacan’s work, and associating with his disciples. Must we think that all is well?
Asinus asinum fricat, one mule scrubs the other. “You are a psychoanalyst, I am a psychoanalyst.” – “Mister psychoanalyst, I presume? – Sir, you are another one.” – “I’m okay, you are okay.” (this is the principle of psychotherapy that had its glory days when it was called transactional analysis.) It could be that it is on this basis, of seeing the complicity of other imposters of the same calibre, that at present a community tries to rebuild itself, a community that would be psychoanalytic by not breathing a word of what authorises anyone to call himself psychoanalyst outside of complaisance. The question of “what authorises me?” will not come from there.
It is from this easy option, of this real Verleugnung, that the Ecole de la Causefreudienne intends to distinguish itself by temporarily suspending its collective capacity to qualify psychoanalysts – subject to making it a public demonstration, that is to say to impose a task on itself that would not be unworthy of being compared to the one gone through by the so called AEs, the ones Lacan allotted it to, to “save the honour”, namely the Analysts of the School, analysands supposed to have conducted their analysis to its logical conclusion and who along with testifying the result, letting in on a special experiment, the Pass, make the sometimes brilliant benefit of their work public.
This is what is done at the ECF. Only a puzzling institutional aberration reserves the Study Days of the AEs for a much more restricted audience than this one, and during these Study Days have only one of the so called AE in function speak in a plenary session. It is nevertheless to them especially that Lacan intended to entrust the responsibility to interpret the experience of the School.
At the Ecole de la Cause freudienne nobody is complaisant and it will prepare itself, at the initiative of its Council, chaired by its Executive, for the task of next year’s Study Days where it will meet with itself for a ‘dropping of masks’.
It could happen, as in a new Alphonse Allais version of the Opera Ball, that, in horror, it does not recognise itself.
“I am not what you think.” – never mind. The risk is not to be what it thought. Then, for once, semblants would vacillate.
Vacillation would not leave the You invited to the party, unharmed – the You who would notice, maybe, that beneath the mask he himself dropped, it was not him either.
Nevertheless, tribute is to be given to a School that, by its most representative organ, its Council, then chaired by our colleague Yasmine Grasser, does not recoil from facing the challenge thus given to it – at a time where no one thinks anymore to challenge anyone on the qualification of psychoanalyst, while numerous analytical groups pass on their fleas in large outbursts of “Let’s embrace Folleville”. Which makes the questioning urgent that insures that the title of our next Study Days is not under suspicion to have come from the outside.
It is within what is most assented in our practice that the demand arises to report and thereby evaluate whether or not, or in which measure, this organism that we call the School is able to train psychoanalysts and to control, evaluate and guarantee this training.
The guarantees this School enjoys, which stem from its history, from its associations with other Schools in the World Association of Psychoanalysis and on the other side, the recognition of guarantees a large public gives it, captured by the work it brings under one roof, all those guarantees are nothing withregards to a higher demand, which is to play its part in the right way in relation to psychoanalytic discipline itself – let’s say, the idea of psychoanalysis, if it existed.
It has been a long time since the question tormented anyone to know what authorises anyone to cause transference phenomena and suggestion by listening. It is because today psychoanalysis is everywhere that it could be that it is nowhere. With regards to us, let’s keep this answer suspended until we can demonstrate the validity of our pretensions.
Study Days will probably not be enough, but they start the process of verification that we are calling on, now at the threshold of the second century of psychoanalysis. Jacques Lacan was able to write, long ago, in 1958 that a “mystery remains (…) with regard to the conditions in which the heritage of a discipline that a field engenders is protected” – the Freudian field – “where the practitioner himself needs to be at the level of the subject (…) of speech, that is to say as emerging at the dimension of truth.” After having recognised in Freud the instant concern (sic) to found a community that will carry outthis protection, he tried a few years later (1964) to dissipate this mystery by creating an hitherto unknown community of psychoanalysis, a School namely, that he will vow to an infinite quest in 1967, which means that of a series, of persuading a subject that he has the qualification of a psychoanalyst.
Is this qualification taken for granted once and for all? We know a School canfall from grace [déchoir], since before passing away Lacan took care to dissolve the one he founded. It being a subject, it could be that his qualification as analyst supposes he incessantly do the pass and that the pass is only the name of a narrow door opening to a series of tasks. Which are at the level of the subject, emerging in the dimension of truth, only being able to speak [énoncer] with an element of risk, that of demeaning himself [déchoir]. Of course, Lacan corrects this later on, it is at the level of the object, not the subject, that an analysis is at the right place in practice but when he speaks as the one who teaches and testifies, nothing protects him at all from the risk of saying [dire], not even the quotation of good authors, who rather denounce the fact that the impact of the saying doesn’t go with the said [les dits].
Is the protection of the heritage of the discipline engendered by the Freudian field assumed by the ECF? This is what will be evaluated. This is to say:
1 – Whether or not the difference between true and false psychoanalysis is made - to take the title of a writing by Lacan that I quoted?
2 - Whether or not the difference between pure and applied psychoanalysis is made?
- Those two differences are not to be confused, they are to be separated:
- applied psychoanalysis is not false psychoanalysis;
- pure psychoanalysis is not true psychoanalysis;
- but it is false not to distinguish between pure psychoanalysis and applied psychoanalysis;
- and once again: it is false to identify pure psychoanalysis with private practice with a couch and applied psychoanalysis with the practice in institutions.
The opposition of true and false psychoanalysis was made by Lacan for the purpose of stigmatising the renunciation of the principles of analytical discipline, and the deviation from its practice “for purposes of social suggestion and psychological submission.” A practice preserving all appearances of psychoanalysis, its semblants, can slide into being no more than a “corrective pedagogy”, or an “authoritarian psychotherapy”. Nothing is closer to psychoanalysis than its reverse, the Master’s discourse, it is enough to let go of analytic discourse for it to reverse, because it is the Master’s discourse that fits the unconscious, not the analyst’s discourse. Transference is only suggestion, in its own analysis (the analysis of suggestion).
It is precisely because listening causes the repetition of the demand that an effect of suggestion is produced. If this effect is not analysed, but used, the listening practices naturally tend towards the reinforcement of the Master’s discourse. And this is what we witness all over: the generalisation of the listening practices, which without doubt attests to the massive impact psychoanalysis has on civilisation, with the result of a reinforcement, or proliferation, of the Master’s discourse.
The irony is that the triumph of psychoanalysis, the dropping of its mask, reveals its true face: the Master’s discourse triumphs, and even more so when it drags the signifier of the psychoanalyst with it. If the Other doesn’t exist, the Master’s discourse exists well and good.
The opposition of pure and applied psychoanalysis is something else. It takes its meaning from the reversal operated by Lacan, that leads to making analysis produce an analyst, “the perfect form of psychoanalysis”, its pure form. Whence it appears that applied psychoanalysis is all forms of psychoanalysis, and even all moments of the analytic experience, where “therapeutic care” predominates over separating the subject from the signifiers that cover him, in order to disengage him from his fantasy, in the end.
Thus I understand by applied psychoanalysis, psychoanalysis restricted to therapeutics, justifying, as Lacan writes in the Ecrits, “short-circuits, or temperaments”. Applied psychoanalysis is each time the analyst holds back Diana’s dogs, because not all subjects can bear to be devoured.
Not too long ago I was told that the EOL and the EBP intended to have a conference with the title “Psychoanalysis and Psychotherapy”. The title appearing overworked, I suggested in the same mood: “When the subject is worse….” – implying: what are you doing, practitioner? Hic Rhodus, hic saltus [sic]: this is where the separation between the pure form and the applied form of psychoanalysis is most certain, the one that dominates “therapeutic care”.
How do we analyse? What do we do with the therapeutic demand – which is the initial demand, the demand justifying an analysis, the one the symptom and the belief in the symptom imposes? Demand naturally introduces suggestion. This is what legitimises psychiatry (reduced to being the slave of molecular biology) to want to be the master of psychotherapy in compensation (authoritarian psychotherapy). It would begood to know how to differentiate the use of the master-signifier in authoritarian psychotherapy and its use in applied psychoanalysis.
“You may know”: the title of the Study Days brings us back to the sentence Lacan adorned the cover of his journal Scilicet with: “You may know what the Ecole freudienne de Paris thinks”.
This “You may know” is also what promises a psychoanalysis: “You may, if you have the desire, shed light on the unconscious of which you are the subject” (Lacan says it to his interlocutor in Television). Put into a journal of the School of which the texts were presented under one collective signature, it was to show what it means to be part of a group when it is given its true scope: it includes co-responsibility.
Not only the responsibility of the development of the School, corporation, but also the co-responsibility of what others from this School dream up, write, profess, the co-responsibility of what they do and as analysts in the first place.
How do we analyse at the ECF? How can we know it? First by its analysands, and it is in this capacity that the AEs are invited to testify. But it should also be by its analysts, who analyse under the aegis of the School, whose training and practice it guarantees. And at these Study Days as well, the School invites the practitioner who claims to be one, to elaborate how he analyses, and to be supervised by the You of the You may know, to have his act supervised by exposing himself.
We did not wait for the 2001 Study Days to do this, of course. This is the exploit of each of our Study Days, and especially this one, the organisation of which is due to Catherine Bonningue. But until now the exposition of the case veiled the “exposure” of the practitioner, leaving it implicit. This is what the next Study Days would like to make explicit and that is why it is not excessive to saythat such a challenge is new. Until then, it remains for us to elaborate how to approach “the confession of the analyst” in the right way – always repeating their pass.
It may be that You are curious to know, for example, how it can happen that the reduction of the lack necessary for correctly occupying the place of the analyst, the fall of ideals that this reduction takes away, nevertheless leaves something produced that could be called psychoanalysis as passion, a psychoanalysis-passion. “Psychoanalysis, my partner-ravage!”
Passion is compatible with the absence of hope because the absence of hope leads the being to confuse himself with his will. This is perhaps the principal demand of psychoanalysis itself as far as it corresponds to what can be called the principle of radical responsibility. Lacan wrote in “Science and Truth”, page 729: “One is always responsible for one’s position as a subject”.
Is it terrorism? Following in the tracks of a colleague from the EOL who recentlypassed away, Javier Aramburu, to whom I paid tribute in Buenos Aires, I realised that this statement of Lacan’s was echoing Freud’s, precisely the paper of 1925 where he holds that it goes without saying that we impute the subject with an ethical responsibility, Die sittliche Verantwortung, for the content of his dreams.“The content of the dream, he says, is a piece of my being. What I have renounced in me is me, and acts on occasion through me.” Psychoanalysis entails that the ethical responsibility of the subject extends to the unconscious. It is at this level that we need to find the resource – each one for himself, but also each co-responsible for his fellow sufferers - to re-invent psychoanalysis in these times of distress.
It is encouraging, according to a great artist, who, at the very moment where he put himself in the position of teaching, displayed his condescension of everything that is School, I quote Gustave Courbet: “The history of an era finishes with that very era and with those representatives of it who interpreted it. It is not the responsibility of a new era to add something to the interpretation of the old one, to widen or embellish the past. What has been, has been. The human spirit has the duty to always work from scratch, always in the present, starting from known results. We should never repeat anything, but always march (….) from conclusion to conclusion.” Translated from the French by Tracy Favre