
de la NLS
the Societies and Groups of the NLS

Montréal, 27, 28, 29 mai 2016
avec Christiane ALBERTI
Liaisons inconscientes – Faire couple aujourd’hui
Quel partenaire ?
Par Benjamin
Mortagne, membre de
NLS-Québec
Pour
sa 42e rencontre, le Pont Freudien a
accueilli à Montréal Christiane
Alberti, présidente de l’École
de la Cause Freudienne, sur le thème Faire couple aujourd’hui – rencontre qui fait suite au vide
laissé par les journées de l’ECF
qui n’ont
pas eu lieu à Paris en novembre 2015, en raison des
attentats du 13 novembre.
Ces journées
de travail ont démarré par une conférence
“Liaisons inconscientes
– Faire couple aujourd’hui“,
qui a rassemblé un public nombreux et de tous
horizons. Nul doute que la question du couple
pousse chacun à savoir… Christiane Alberti a orienté sa conférence à partir de la question du lien d’un
partenaire à un autre par le jeu des liaisons
inconscientes. Le syntagme Faire couple, expression lacanienne, se distingue
d’être
en couple. Dans un XXIe siècle marqué par l’absence
de discours établis, d’un règne
du « consommer
sans désirer », il appartient à chacun d’œuvrer
et d’inventer un lien
à l’autre
pour faire couple. Un arrangement est possible sur
la base d’une complémentarité supposée de deux êtres, celui de l’illusion
du Un amoureux, mais cela repose sur les
fictions et les semblants. Le couple peut s’unir
autour d’une
parole, lui assurant une reconnaissance
symbolique. Mais au-delà de l’amour
qui forme l’apparente
harmonie du couple, une autre scène
se joue, à bas bruit. « En
lui, mon partenaire, il y a plus que lui. » Autre chose oriente vers l’autre
dans ce qu’il
a de plus réel ; ce que Lacan a nommé objet a. D’un
trait extrait chez l’autre – forme épurée de l’objet primordial
corrélée à une jouissance inoubliable et
hors-sens – une condition d’amour
est possible. Reste la contingence qui devient le
véritable régime de la rencontre ; la jouissance se rencontrant
toujours d’un premier hasard. En l’absence
de rapport sexuel, le couple s’avère
une solution à la douleur d’exister
et à la solitude du parlêtre.
Le séminaire théorique – « Quel partenaire ? » – a été élaboré pas à pas par Christiane Alberti pour
traiter la question du choix du partenaire. Si le
premier enseignement de Jacques Lacan considère
le signifiant comme barrière
contre la jouissance et que seuls des bouts de
jouissance (objet a) peuvent s’attraper,
Christiane Alberti nous a fait sentir le
changement de paradigme épistémologique
dans le dernier enseignement de Lacan, à partir du cours de J.-A. Miller, « L’Etre
et l’Un », pour rendre compte d’une
jouissance qui n’est
plus considérée à partir de son interdiction, mais à partir de son existence. Dès lors, « l’inconscient,
ce n’est pas que l’être pense, […]
l’inconscient,
c’est que l’être, en parlant,
jouisse » nous fait
remarquer Lacan dans son Séminaire Encore. Le signe se substitue alors au
signifiant et le sujet devient un parlêtre doté d’un
corps vivant. Ainsi, il existe une jouissance logée dans le corps, pourtant ignorée comme telle. Mais, comme le précise
Jacques-Alain Miller, « le
corps se jouit ». Un signifiant rend sensible le
corps sans en passer par la signification commune.
À partir de ce préalable,
Christiane Alberti a déplié le
concept de « partenaire-symptôme », développé dans le cours de Jacques-Alain Miller en 1996-1997. Si la jouissance
isole, comment se fait-il que nous parvenions à faire lien avec un autre ? Une façon
de résoudre cette question réside
dans le fantasme. Le sujet en tant que représenté par le signifiant est voué à se compléter, le partenaire devenant un
obturateur du manque. Christiane Alberti a décrit la perspective du désir côté homme, puis côté femme, pour en dégager
la logique inconsciente.
Deuxième modalité pour faire lien à l’autre : le symptôme. J.-A. Miller inscrit le symptôme dans la série des partenaires du sujet. Le
symptôme devient une fonction qui écrit le réel de l’inconscient. C’est au sens d’une fonction de suppléance que le partenaire est symptôme, suppléance au défaut du non-rapport sexuel. Le
symptôme devient un véritable appareillage pour combler
le manque-à–être, un au-delà du fantasme. Un détour par l’autre devient nécessaire pour appareiller la
jouissance. La pulsion installe, pour le névrosé, son objet dans une zone qui
incarne l’Autre. Dans cette conception, le
symptôme devient le vecteur de l’amour qui unit la jouissance et le
signifiant. Le couple devenant une affaire de
symptôme à symptôme.
Deux présentations de cas cliniques nous ont donné un éclairage
sur la façon singulière
dont deux êtres
font la paire.
Le
premier cas – présenté par Anna Leppert (psychologue) et intitulé Couple mère-fille – témoigne
du travail en séances d’un
sujet qui se fait le déchet
du fantasme maternel. Son corps devient le lieu
privilégié où se rejouent les atrocités du sadisme maternel. Du couple mère-fille
non marqué par l’altérité, la clinicienne a su poser une
interprétation
qui a opéré comme principe séparateur.
Le deuxième
cas – présenté par Anne Béraud (psychanalyste, membre de la NLS),
et intitulé Marié avec la Madone – rend compte d’une
psychanalyse de quelques mois qui a permis à un homme de faire un travail de réduction d’idéalisation
de son fantasme qui occupait une fonction nodale
dans sa vie psychique. Le sujet a fait de sa femme
un symptôme
permettant de faire fonction de rapport ; l’objet a devenant le partenaire de la
jouissance. Ce cas est particulièrement
enseignant sur la façon
dont le fantasme fait écran au réel et dans le même
temps lui donne son entrée.
Cette
fin de semaine de travail s’est achevée sur un séminaire
de lecture du chapitre XI, « L’amour
courtois en anamorphose », du Séminaire
VII, L’éthique de la psychanalyse, de Jacques Lacan.
En guise de préambule, Ruzanna
Hakobyan (psychanalyste à Montréal
et membre de la NLS) nous a donné à entendre un commentaire d’un
extrait de L’Intérêt
de la psychanalyse de Freud, centré sur l’adage
selon lequel « On
revient toujours à ses premières amours ». Pour illustrer son propos, elle s’est appuyée sur la nouvelle intitulée Gradiva de Jensen, commentée par Freud, laquelle témoigne
parfaitement du travail d’extraction
des signifiants qu’un
sujet peut faire et qui vont se loger jusque dans
un prénom.
Un signifiant est attaché à une première
fixation qui est contingente et une jouissance
hors-sens ouvre la voie à un destin.
Après nous avoir donné quelques repères
historiques de l’éclosion
de l’amour
courtois, Christiane Alberti a montré comment celui-ci construit une érotique
qui dit le rapport d’un sujet à l’objet d’amour,
en l’espèce
de la Dame qui est élevée à la dignité de Das Ding. La chose est niée pour n’en
rester que le symbole ; la Dame advenant à la place de cette chose dont il est
demandé d’être privé (une vacuole). Si la Dame est
interdite, les troubadours trouvent une
compensation dans la jouissance de la langue. Le
vide devient fécond. L’amour
courtois induit que la jouissance s’obtient
par une conduite de détour
(la Dame, érigée à un signifiant) et rend compte par les
signifiants produits (vers déclamés)
de la mise à distance de la Chose.
Nous
remercions vivement et chaleureusement Christiane
Alberti pour la clarté de ses propos et son appétence à transmettre la psychanalyse.
Montréal,
juin 2016.
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